Le professeur Didier Lacombe travaille sur les anomalies du développement de l’embryon d’origine génétique. Avec les chercheurs de son équipe dont les docteurs Rodrigue Rossignol et Laetitia Dard, ils ont noué un partenariat original avec l’Association Française des Syndromes de Costello et Cardio-Facio-Cutané dirigé par Serge Arnoulet et fondé par François Dupuy, qui a abouti à la création d’un nouveau modèle murin de la maladie réalisé à l’Institut Clinique de la Souris, à Strasbourg.
« Il n’existait pas de modèle murin avec l’altération génétique la plus fréquente rencontrée dans le syndrome de Costello, la mutation HRAS p.G12S. L’association Française des Syndromes de Costello et Cardio-Facio-Cutané a financé ce modèle et nous a permis d’étudier cette maladie rare » explique Rodrigue Rossignol. « La majorité des enfants avec le syndrome de Costello est atteinte de cardiomyopathie hypertrophique responsable de la mort de trop nombreux patients. Si la maladie cardiaque constitue une urgence thérapeutique absolue, d’autres aspects des RASopathies nécessitent aussi des traitements adaptés, comme par exemple l’apparition de cancers rares … »
Le gène HRAS est généralement décrit dans le cancer car des mutations (dites somatiques) apparaissent dans les tissus différenciés. Dans le modèle murin, la forme mutée de HRAS est exprimée au stage germinal et provoque une maladie du développement : le syndrome de Costello.
Dans ce projet soutenu par l’ANR, un poisson-zèbre portant la mutation HRAS p.G12S a également été établi ainsi que des lignées de cellules souches issues de patients, à partir desquelles des cardiomyocytes humains ont été générés. « La collaboration avec l’association de patients a permis de réaliser des biopsies de peau sur les enfants dans le cadre réglementaire d’une étude interventionnelle (NCT02812511) » détaille Laetitia Dard. Et Rodrigue Rossignol d’ajouter : « confronter les différents modèles du syndrome de Costello permet de mieux comprendre l’impact physiopathologique de la mutation HRAS p.G12S. Chaque modèle possède des limites que nous devons considérer, notamment dans les analyses métaboliques ».
A partir de ces différents modèles, une étude protéomique prospective a été réalisée en collaboration avec le docteur Stéphane Claverol de la plateforme de protéomique de Bordeaux et Cellomet. Cette étude a permis d’identifier un défaut de protéostase des mitochondries.
Serge Arnoulet, Président de l’association depuis 2016 raconte que cette hypothèse autour de la mitochondrie était inédite par rapport à tout ce qui avait été envisagé jusqu’à présent.
« Nous avons creusé cette hypothèse des mitochondries altérées et nous avons trouvé une voie de signalisation inhibée par la mutation du gène HRAS, via l’expression d’un micro ARN qui inhibe cette voie responsable du de la régulation du métabolisme énergétique. En bloquant l’activité de ce micro ARN nous avons vu que l’on pouvait rétablir la fonction des mitochondries dans les cellules porteuses de la mutation » précise le Dr. Laetitia Dard.
L’injection d’un ‘anti-miR’ thérapeutique demeurant difficile et longue à développer, c’est une approche pharmacologique basée sur la combinaison de deux médicaments qui a été envisagée. « Nous avons ainsi réussi à rétablir les défauts de la mitochondrie et prévenir les problèmes cardiaques sur le poisson-zèbre et sur la souris » éclairci Laetitia Dard.
Un brevet a d’ailleurs été déposé pour cette thérapie mitochondriale et un projet de maturation financé par la SATT-AST a débuté en novembre 2021. La création d’une start-up Pharma est aussi en cours, soutenu par l’incubateur Chrysalink.
« C’est donc un projet initié par les patients, qui ont financé la création de modèles animaux du syndrome de Costello, à la base de la découverte d’un mécanisme moléculaire et au développement d’une thérapie mitochondriale au stade préclinique » analyse Rodrigue Rossignol.
L’originalité de ces travaux et de cette publication réside dans le décloisonnement entre le travail du chercheur et le rapprochement avec le service de génétique médicale et l’association des patients.
« Serge Arnoulet et François Dupuy ont joué un rôle très important car ils ont réussi à convaincre les familles de participer à ces travaux » explique Didier Lacombe. « Je souhaitais que les familles apprennent à connaitre les chercheurs afin qu’elles comprennent l’intérêt de leur participation dans la recherche » ajoute le président de l’Association Française des Syndromes de Costello et Cardio-Facio-Cutané. « En plus du financement du modèle murin, nous avons aussi participé pour moitié au poste de doctorant sur ce projet » conclu-t-il.
Le projet se poursuit avec une étape cruciale et tout aussi complexe : le développement d’un médicament et la mise en place d’un essai clinique.