Depuis plusieurs années, l’équipe d’Aksam Merched s’intéresse aux dérégulations métaboliques au niveau du cancer du foie, chez l’adulte et chez l’enfant.
Lors de sa thèse, Malak Alannan a constaté que les anomalies du métabolisme lipidique au niveau des cellules cancéreuses et des tumeurs hépatiques des patients, révèlent un profil lipidique tumoral assez particulier. En effet, les cellules cancéreuses montrent une addiction aux lipides mais préfèrent les synthétiser.
La clinique propose des médicaments et des approches thérapeutiques capables de bloquer cette synthèse qui nécessite l’importation de lipides exogènes. Il s’agit des statines et des anti-PCSK9, largement prescrits pour traiter les hyperlipidémies (anomalies métaboliques largement étudiées auparavant par le Dr Aksam Merched). L’équipe a donc décidé de traiter les cellules cancéreuses consommatrices de graisses par ces médicaments, afin de vérifier leur potentiel anti-tumoral.
Des expériences sur trois lignées cellulaires cancéreuses humaines issues d’enfants, d’adolescents et d’adultes ainsi que des xénogreffes dans le poisson-zèbre et sur la membrane chorioallantoïque de l’embryon du poulet ont montré que ces médicaments sont efficaces in vitro et in vivo pour inhiber la prolifération des lignées tumorales.
Au niveau métabolique, l’utilisation de ces médicaments a permis d’activer les récepteurs lipidiques membranaires et de provoquer une entrée massive de lipides exogènes. Ces derniers s’accumulent sous forme de gouttelettes lipidiques abondantes et riches en acides gras polyinsaturés, fortement oxydés. L’équipe du Dr. Merched a montré pour la première fois leur effet inhibiteur sur la voie de mise en place de défense anti-oxydante Keap1/NRF2. Grâce à cette double action, les anti-PCSK9 induisent la mort des cellules cancéreuses par ferroptose (une nécrose provoquée par l’oxydation des lipides en présence du fer).
Ces travaux soulignent donc l’intérêt de repositionner certaines stratégies thérapeutiques actuelles (statines et antiPCSK9) utilisées pour traiter l’excès de cholestérol et de lipides sanguins dans de nouvelles applications contre le cancer du foie.
« Nous avons également découvert un nouveau mode d’action des anti-PCSK9 en tuant les cellules cancéreuses par ferroptose » explique Aksam Merched.
A l’occasion de ces découvertes, l’équipe a publié conjointement une revue détaillant l’implication multifonctionnelle de PCSK9 dans le cancer.
L’approche mise en œuvre par l’équipe va à l’encontre des stratégies courantes face aux addictions métaboliques des cellules cancéreuses. En effet, la plupart de ces initiatives consistent en des interventions de déprivation métabolique, qui semblent pour la plupart inefficaces ou tout au moins trop toxiques pour être acceptées cliniquement. L’overdose métabolique mise en place dans ce projet en fait son originalité.
Ce projet de recherche collaboratif a impliqué plusieurs équipes du BRIC dont celle de Majid Khatib et d’Hamid Rezvani, mais également l’équipe de Rodrigue Rossignol, INSERM U1211 MRGM et Nivea Dias Amoedo qui dirige la société de service CELLOMET (Adera), Patrick Moreau, LBM, UMR5200, ) et la plateforme lipidomique, ainsi que le pôle de microscopie électronique du BIC dirigé par Etienne Gontier.
Le projet a été soutenu dès le début par l’ « Association Cassandra Contre les Cancers Pédiatriques » qui a financé ces recherches mais aussi par l’association « Les Récoltes de l’Espoir » qui a permis aux scientifiques de mener à bien ce travail. D’autres sources de support ont aussi financé en partie ce projet (la liste complète est détaillée dans les publications).
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