Avec un taux de survie médian de 18 mois après diagnostic, le glioblastome reste l'une des tumeurs cérébrales les plus redoutables. Aujourd’hui encore, les traitements existants ne permettent pas d’empêcher la récidive de la maladie. Et si une nouvelle stratégie permettait d’améliorer l’efficacité des traitements actuels ? C’est ce que proposent les scientifiques en explorant une approche inédite : cibler la respiration mitochondriale des cellules tumorales.
Une molécule prometteuse
« Bien que la chirurgie soit pratiquée, la tumeur récidive toujours. Une des raisons de cette récidive est la présence d’une population de cellules résistantes aux traitements classiques, appelées cellules souches cérébrales (BTSCs) » explique Audrey Burban, Chercheuse à l’IBGC. « Ces cellules tirent leur énergie des mitochondries, ce qui les rend difficiles à éliminer. En ciblant cette dépendance avec le mubritinib, nous avons réussi à affaiblir cette population qui est une des responsables de la récidive. »
D’abord développé comme inhibiteur de tyrosine kinase, le mubritinib a révélé un mécanisme d’action inattendu : il empêche la respiration mitochondriale des cellules tumorales, les privant ainsi de leur principale source d'énergie. Cette approche permet de cibler spécifiquement la population de cellules cancéreuses à forte activité respiratoire, exploitant un métabolisme alternatif à la glycolyse.
« Une des difficultés majeures dans le traitement du glioblastome réside dans la similitude entre les cellules cancéreuses et celles du micro-environnement cérébral » explique Thomas Daubon, Chercheur à l’IBGC. Cependant, « le mubritinib cible spécifiquement les cellules souches tumorales sans affecter les cellules saines du cerveau, préservant ainsi le micro-environnement sain » précise Andreas Bikfalvi, Chercheur à l’unité BRIC.
Autre atout majeur du mubritinib est souligné par Audrey Burban : « La molécule parvient à traverser la barrière hémato-encéphalique et à rester active dans le cerveau pendant 24 heures », un paramètre essentiel pour une potentielle application clinique.
Il existe d’autres molécules capables d’inhiber la respiration mitochondriale, mais notre étude a montré que le mubritinib est très efficace à faibles doses, ce qui réduit considérablement la toxicité et les effets secondaires.
Pour mieux comprendre le microenvironnement tumoral, l'équipe ambitionne de renforcer ses collaborations interdisciplinaires. « À Bordeaux, nous disposons d'un centre de neurosciences de pointe. Nous souhaitons développer davantage notre collaboration avec ce département pour faire avancer nos recherches » souligne Thomas Daubon.
Vers une meilleure sensibilisation aux traitements existants
En plus de son effet direct sur la respiration cellulaire, le mubritinib pourrait aussi renforcer l'efficacité des traitements existants. « Nous avons constaté que cette molécule augmentait la diffusion de l’oxygène dans la tumeur, ce qui la rendait plus sensible à la radiothérapie » précise Ahmad Sharanek. En augmentant les espèces réactives de l'oxygène (ROS), le mubritinib amplifie l'effet des radiations, contribuant à une meilleure destruction des cellules cancéreuses.
Un pas vers les essais cliniques
Selon les scientifiques, les résultats obtenus sont très encourageants et ouvrent la voie à une étape cruciale : les essais cliniques. L'intégration de nouvelles molécules efficaces, comme le mubritinib, dans des protocoles de test constitue une priorité. L'équipe collabore déjà avec Mathieu Larroquette, Médecin au CHU et Doctorant dans l’équipe de Thomas Daubon, ce qui pourrait faciliter le lancement de cette phase décisive.
Si ces essais confirment l'efficacité et la tolérabilité du mubritinib, cette molécule pourrait bien représenter une avancée majeure dans le traitement du glioblastome, offrant aux patients une perspective de prise en charge plus efficace face à cette pathologie redoutable.
Sur la photo, de gauche à droite : Thomas Daubon, Audrey Burban, Ahmad Sharanek, Andreas Bikfalvi.